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BLACK SONG

16 septembre 2017

CHAPITRE 4 - NIC

Nic

 

 

J’étais en colère. Je jetai le magazine sur la table basse posée devant moi.

 

– Qu’est ce qu’il t’arrive Boy me demanda Cat en rigolant car il connaissait déjà la réponse

– C’est de la merde cet article

– T’es pas objectif. T’as juste les boules car ce n’est pas ta journaliste préférée qui l’ écrit c’est tout.

 

Ca faisait une semaine déjà que Carlota était sortie furieuse du restaurant où je l’avais invité à diner. J’avais essayé de contacter la rédaction du journal où elle travaillait, mais on avait refusé de me donner son numéro de téléphone. Notre chargé de communication avait donc appelé un autre magazine pour faire l’interview. Les deux heures de questions-réponses, passées avec un gamin fraichement sorti de l’école qui nous regardait avec des yeux de merlan frit m’avaient profondément saoulé. Et tout ça pour une double page qui n’apportait rien au lecteur sauf l’information importante que j’étais un homme renfermé. Tu parles !  C’est Brice qui avait mené la majorité de l’entretient, tant j’avais trouvé ça inintéressant.

 

– Pourquoi elle t’obsède comme ça cette nana continua Cat.

– Je ne sais pas, elle a quelque chose. J’ai le sentiment qu’elle cache un truc. Plus j’y pense, plus elle m’intrigue           
– Laisse tomber Nic, ça ne t’apportera rien de bon.

– J’essaie mais je n’y arrive pas. Il faut que je la revoie

– A moins de faire le siège du journal où elle bosse, je vois pas comment tu vas faire.

– J’ai ma petite idée.

 

C’est de bonne humeur et optimiste que je m’engouffrai le lendemain matin dans la voiture qui m’attendait devant l’hôtel.

 

– On va sur le Boulevard Beaumarchais dans le 3e Santo. A la rédaction du magazine « L-World »

– Bien Nic.

 

J’appréciai Santo. Il était à mon service depuis nos débuts. Doté d’un calme olympien et d’une efficacité sans faille, il tempérait souvent les situations compliquées. J’avais entièrement confiance en lui, et il était un membre important de mon équipe. En plus d’assurer la sécurité du groupe, il était devenu mon homme de confiance.

Le trajet ne nous prit pas longtemps. Le quartier du Marais était relativement calme ce matin et Santo me déposa devant le journal sans encombre.

 

– J’espère ne pas en avoir pour trop longtemps lui expliquais je. Vous pouvez m’attendre.

– Bonne chance Nic me répondit-il avec un sourire amusé

– Je vais en avoir besoin je crois. Merci Santo.

 

Je gagnais les locaux du journal d’un pas rapide. Je ne voulais pas me faire arrêter par des fans dans la rue. Je devais rester discret et surtout, ne pas croiser Carlota avant que mon projet n’ai abouti.

 

Je rejoins l’accueil sans encombre. Le hall était désert. La secrétaire en train de taper sur son clavier d’ordinateur ne sembla pas me reconnaitre.

 

– J’ai rendez-vous avec Maryline Duras

– Donnez-moi votre nom Monsieur s’il vous plait

– Monsieur De Mars lui répondis-je en souriant l’air de rien.

 

Il m’arrivait, quand je voulais rester discret d’emprunter le nom de Cat. Ca le faisait hurler quand il l’apprenait, et moi ça me faisait rire, tout en me fournissant une couverture souvent bien utile.

 

– Madame Duras arrive Mr De Mars m’indiqua la secrétaire en se remettant à pianoter sur son clavier, sans m’accorder un regard de plus. Mauvais pour l’ego quand même.

 

Quelques minutes plus tard, une grande blonde d’une cinquantaine d’années charpentée comme un déménageur déboula d’un escalier et se planta devant moi en me tendant la main.

 

– Bonjour Monsieur……euh…De Mars. Je suis Maryline la directrice du journal. Veuillez me suivre s’il vous plait.

 

Je n’eu pas le temps de répondre, elle avait déjà fait demi-tour. Je n’eu plus qu’à la suivre jusqu’à son bureau.

Je la laissai s’assoir avant d’en faire de même, un peu décontenancé par son accueil. Je n’avais pas trop l’habitude. En général c’était plutôt champagne et tapis rouge.

 

– Alors Monsieur Black, expliquez-moi ce qui vous amène.

 

Le ton de sa voix était plutôt sec et presque intimidant. Elle n’allait pas me laisser l’embobiner à priori. La mission « Carlota » allait peut-être s’avérer un peu plus difficile que prévu.

 

– Merci de me recevoir Madame Duras, surtout à l’improviste. J’imagine que votre agenda de directrice doit être chargé et….

– Ecoutez Monsieur Black, allons droit au but. Après l’annulation de l’article de la semaine dernière, votre visite me parait un peu étrange. Et puis le fait d’en faire tout un mystère ne me rassure pas vraiment. Alors je vous écoute

 

Waouh ! Elle était cash, pas de fioritures inutiles. Droit au but. J’aimais plutôt ça d’habitude mais aujourd’hui j’aurai bien aimé qu’elle soit un peu plus sensible à mon charme. Ca m’aurait sans doute facilité la tâche.

 

– Je suis venu pour m’excuser d’avoir fait capoter l’article qui devait paraitre dans « L-World »

– J’apprécie, mais c’est auprès de Mademoiselle Maxwell qu’il fallait présenter des excuses. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé, elle ne me l’a pas dit, mais je la connais assez bien pour savoir qu’elle n’a pas renoncé sans bonnes raisons. J’ai toute confiance en elle, et quand elle m’a dit qu’il n’était pas possible pour elle d’écrire ce reportage, je l’ai accepté sans chercher à en savoir plus. Elle semblait assez bouleversée et très en colère contre vous. Cela m’a suffit.

– Je reconnais que je n’ai pas été très correct avec elle et je le regrette. Carlota semble être une excellente journaliste et nous aurions aimé que cet article soit traité par votre magazine. Il aurait sans doute été beaucoup plus instructif pour les lecteurs que celui qui est paru dans la presse ce matin.

 

J’avais gagné son attention. Je le voyais à son regard perçant posé sur moi. D’un geste rapide elle saisit un paquet de cigarette dans son tiroir, en prit une et fit glisser le paquet vers moi.

 

– Il est un peu tard pour regretter Monsieur Black non ?

– J’ai quelque chose à vous proposer Maryline. Une immersion. Un reportage de deux jours pendant nos répétitions, dans un lieu tenu secret. L’exclusivité de quelques chansons qui ne sont pas encore connues du public. De quoi écrire un numéro spécial sur Wax, qui sans aucun doute fera décoller vos ventes.

 

Je vis son visage se transformer au fur et à mesure que je parlais. Son expression fermée se détendit et un sourire apparut sur ses lèvres. J’avais fait mouche apparemment. Maryline Duras était une véritable femme d’affaire. Elle était bien plus sensible à l’idée de gagner beaucoup d’argent qu’à mon charme.

 

– C’est très généreux de votre part comme proposition. Je ne peux évidemment pas refuser. Laissez-moi organiser cette rencontre pour la semaine prochaine. Notre journaliste musical sera de retour de congé et c’est un de vos plus fervents fans. Je suis sûre qu’il sera ravi de rencontrer Wax.

 

Merde ! Je n’avais pas dû bien me faire comprendre visiblement. C’est avec Carlota que je voulais faire cet article et là elle me balançait un illustre inconnu dans les pattes. Pas moyen.

 

– Maryline, il y a une condition à cette immersion

– Je me disais bien que ça cachait quelque chose me répondit elle en écrasant sa cigarette.

– Nous voudrions que ce soit Mademoiselle Maxwell qui écrive l’article. Personne d’autre. Condition non-négociable.

– Elle n’acceptera pas Monsieur Black. Elle ne vous fait pas confiance. Ecrire un article dans de telles conditions n’apportera rien de bon. Ni à elle, ni à vous, ni à « L-World ». Condition non négociable chez nous non plus.

 

Raté ! Elle etait dure en affaire et visiblement appréciais assez Carlota pour ne pas la mettre en difficulté, même devant un marché très rentable pour elle. La partie allait être serrée.

 

– Nous voulons Carlota, ce sera avec elle ou rien ne se fera entre Wax et « L-World » 

– Et je vous le répète Nic, jamais je ne lui forcerai la main.

– Essayez au moins de la convaincre. Ne refusez pas avant de lui avoir posé la question. Dans l’hypothèse où elle accepterait, peut être pourrions-nous envisager une sorte de partenariat entre votre journal et notre groupe pour couvrir l’ensemble de la tournée…

– Vous êtes en train d’essayer de me manipuler Nic, et je n’apprécie guère. Pour quelle raison poursuivez-vous Carlota, qu’est-ce qui vous pousse à essayer de la revoir à tout prix. C’est une jeune femme honnête et sensible et elle mérite le respect.

– Maryline, Carlota n’a rien à craindre de moi. Je veux lui offrir l’opportunité de cet article, car je regrette profondément la façon dont s’est terminé notre rencontre. Je n’ai pas assez pris en compte sa sensibilité malheureusement, et c’est justement cette partie-là de sa personnalité qui m’intéresse. Cette fille a une sorte de naïveté dans les yeux, et c’est ce que veux qu’elle transmette à notre public. Ce sera pour eux une redécouverte de Wax à travers la pureté du regard de Carlota. C’est sa sincérité que je cherche. Nous n’avons pas besoin d’un gratte-papier qui fera un simple récit dénué d’émotion sur une répétition du groupe. J’ai besoin quelqu’un qui se laissera absorber, à cent pour cent par notre univers. J’ai besoin d’elle.

 

Maryline m’avait compris. Elle resta silencieuse le temps d’allumer une autre cigarette mais je sentais que je l’avais touchée.

 

– Quelque chose m’échappe Monsieur Black, mais je vous crois sincère et je vais vous faire confiance. Ne me le faites pas regretter. Vous avez la possibilité de faire de « L-World » un magazine tendance, grâce à cette exclusivité. Mais n’oubliez pas non plus, que si les choses tournent mal et que Carlota en souffre, « L-World » à aussi la possibilité de ternir gravement votre réputation, et c’est moi qui m’en chargerai.

–  Nous sommes d’accord alors.

– Encore une chose Mr Black avant que nous n’en ayons terminé, reprit-elle en saisissant sont téléphone, vous avez mon accord, mais je vous laisse le soin de convaincre Carlota. C’est à elle d’avoir le dernier mot.

 

Quelques minutes plus tard, la porte s’ouvrit sur Carlota. Maryline et moi étions étions restés silencieux en attendant son arrivée, fumant cigarette cigarette sur cigarette, chacun plongé dans nos pensées. Il allait falloir être subtil et convaincant. J’aurai préféré que Maryline accepte sans conditions et impose l’article à Carlota, sans que je n’aie à intervenir. A priori elle avait trop d’estime pour elle pour agir de la sorte, ce qui n’allait pas me faciliter la tâche, mais la victoire n’en serait que plus agréable.

Ce que je remarquai tout de suite, c’était son visage fermé. Elle avait compris que j’étais là, quand Maryline l’avait appelé pour lui demander de nous rejoindre.

Elle s’assit sans un mot, le plus loin possible de moi. Un masque d’impassibilité était posé sur son visage, mais je sentais qu’elle était ravagée par la colère. Ses mains étaient posées bien à plat sur ses genoux, sans doute pour les empêcher de trembler. Elle restait silencieuse, elle attendait. Moi, je la regardais.

 

– Carlota entama Maryline pour rompre le silence, Mr Black à une proposition à nous faire.

– C’est une habitude chez lui de faire des propositions Maryline, mais il n’y pas grand-chose derrière.

 

Waouh, elle attaquait fort. Je ne pus étouffer un petit rire devant le mordant de la demoiselle.

 

– Carlota, nous sommes partis vous et moi sur de mauvaises bases.

– En effet oui répondit elle en plantant son regard dans le mien. Je vous avais prévenu Nic, que je ne voulais jamais plus avoir à faire à vous, et vous êtes pourtant là. Que me voulez-vous ?

– Vous, votre regard, vos mots et votre objectivité pour écrire sur Wax

– Non.

 

La partie allait être serrée. Maryline s’en rendit compte et à ma grande surprise, se rangea de mon côté.

 

– Carlota, Wax nous offre une immersion dans leurs dernières répétitions. C’est une opportunité énorme pour le journal et je connais ton professionnalisme. Ne te laisse pas influencer par une mauvaise impression. Travaille avec eux comme tu le ferais avec n’importe qui d’autre. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé lors de votre première rencontre mais je te demande de mettre ta rancune de côté et d’essayer de bosser avec Wax.

 

Eh bien, pour quelqu’un qui ne voulait pas intervenir, Maryline venait de me faciliter la tâche. Je la remerciai d’un hochement de tête.

 

– Carlota, acceptez le deal. Je vous promets un week-end hors du commun, vous ne serez pas déçue. Laissez-moi la chance de vous faire changer d’avis sur nous, sur moi. Votre opinion compte pour moi et je vous prie de m’excuser si je vous ai blessée d’une quelconque manière.

 

Mes derniers mots furent les bons. Je sentis sa reddition avant qu’elle ne dise un mot. Ses épaules se détendirent. Elle en avait fini avec son combat intérieur. J’avais raison, sa rancune était centrée contre moi, c’était quelque chose de très personnel. A un moment je l’avais déçue et elle m’en voulait pour cela. Pourquoi ?

 

– Deux jours Nic et après ce sera terminé.

 

Elle n’ajouta rien. Elle se leva et se dirigea vers la porte sans un regard de plus vers moi, le visage à nouveau dénué d’émotion. Pourtant, ses mains tremblaient. 

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16 septembre 2017

CHAPITRE 3 - CARLOTA

Carlota

 

J’étais coincée. Comment allais-je me sortir de ce guêpier ? Il était inutile de dire que je ne connaisse pas leur dernier single ou que je ne l’avais écouté qu’une fois. J’avais bien senti que je m’enflammais en parlant de leur musique, mais je n’avais pas pu m’arrêter. Le frisson que me procurait Wax m’avait envahi, l’excitation avait gagné tout mon être. C’était trop bon de se lâcher. Inconsciemment c’est un moment que je n’avais pas pu laisser filer. Rencontrer le groupe  et échanger avec eux au sujet de leur travail, je l’avais rêvé depuis si longtemps. Je n’avais pas pu me brider, pas cette fois. Pour moi qui étais la reine du contrôle et de la maitrise de soi, c’était plutôt ironique.

Ce soir, depuis bien longtemps, une situation m’échappait. Je devais m’enfuir loin de Wax, et tout serait fini. Je prétexterai n’importe quoi auprès du journal pour expliquer le naufrage de mon article et je n’entendrais plus jamais parler de Nic Black. Je sécherai mes larmes en cachette, remiserai mes vieux fantasmes au fond de ma mémoire et je pourrai enfin passer à autre chose. Voilà, c’est ça que j’allais faire. Maintenant. Enfin dès qu’il aurait lâché ma main.

 

– Arrêtez-vous Nic lui intimais-je en essayant de me dégager de son emprise. Ça suffit, cessez de vous comporter comme une star gâtée à qui tout le monde obéit.

 

Ma voix de maitresse d’école ne l’impressionnait visiblement pas. Pire même ça le faisait sourire. Super.

 

– Vous est-il passé par la tête que je n’étais pas disponible ce soir, ou même que je n’avais pas envie de dîner avec vous ?

– C’est à vous de voir Carlota. C’est vous qui devez écrire un article sur moi et pour l’instant vous n’avez rien de plus que des banalités.

– Je me débrouillerai avec ce que j’ai

– Dois-je en déduire que vous avez bien plus d’informations que vous le dites. Seriez-vous un de ces paparazzi déguisé en journaliste qui nous traquent jour et nuit ? Allez-vous vendre votre torchon au magazine people le plus offrant ? Etes-vous un de ces charognards que nous détestons tant ? Dites-moi Carlota, ce que vous êtes vraiment.

 

Il avait lâché ma main pour me faire face et nous étions à présent arrêtés devant l’entrée du restaurant. Il attendait mes explications. J’avais deux options. Tout lui révéler ou m’enfuir en courant. Dans les deux je perdais toute crédibilité. Je pris quelques secondes pour maudire Sam et son article, moi et ma langue trop bien pendue, Nic qui attendait en me fixant de son regard de braise. Et la terre entière aussi, tiens.

 

– Je vous ai menti Nic

– Sans blague Carlota !

– Je connais un peu Wax et j’aime effectivement ce que vous faites. Surtout la dernière chanson, comme vous l’avez deviné. J’aurai préféré garder tout cela pour moi, pour écrire avec des yeux de novice. Vous m’auriez fait la promo de votre album, vous m’auriez parlé comme vous le faites avec votre public pour le conquérir. Je ne voulais pas que mon opinion compte ou vous influence dans ce que vous alliez me dire. Je suis déjà acquise à votre cause, donc ça me paraissait un peu trop facile pour vous.

 

Il ne répondit pas tout de suite, laissant mon cœur battre la chamade. J’avais arrangé la vérité à ma façon, en espérant le convaincre.

 

– Vous auriez dû être honnête. J’aurai de toute façon cherché à vous séduire, comme je le fais avec mes fans, me répondit-il d’une voix grave en se rapprochant dangereusement. Mon public et moi, nous avons une relation passionnelle. Pendant les concerts, nos cœurs battent à l’unisson, nous vibrons ensemble. Ils sont là pour moi et je suis là pour eux. Sans eux je ne suis rien. Pourtant, ils ne sont jamais acquis à ma cause, comme vous dîtes. Je dois les charmer à chaque album, à chaque concert. Ce n’est jamais facile, mais j’aime le faire.

 

Ses paroles me firent frissonner et la passion dans sa voix me donna la chair de poule. Il m’avait séduit il y a bien longtemps déjà.

 

– Maintenant que les choses sont claires, pouvons-nous aller dîner ? Je vous promets qu’ensuite vous aurez de quoi écrire un très bon article.

 

Si les choses s’arrêtaient là, je pourrais dire que je m’en étais pas mal sortie. A mon grand étonnement, mes explications avaient eu l’air de lui suffire. Pour ne pas tenter le diable, je me dépêchai de le suivre. Pas question que je lui laisse le temps d’enchainer sur le sujet.

 

La salle de restaurant de l’hôtel était charmante. Située sur le même étage que le petit salon où nous nous trouvions, elle était dissimulée par de lourds rideaux qui garantissaient l’intimité. Le serveur nous guida au fond de la salle, à une table si bien dissimulée qu’elle était cachée des regards indiscrets.

A peine installés, Nic nous commanda deux tasses de thé.

 

– Je  ne bois jamais d’alcool me précisa-t-il alors que je lui lançais un regard surpris

– Etonnant pour un chanteur de rock non ?

– Les stéréotypes vous étouffent Carlota me répondit-il en riant. Tous les chanteurs de rock ne vivent pas dans la dépravation et la décadence. Je ne me drogue pas, je ne couche pas avec toutes les femmes qui me passent sous le nez, et non, je ne bois pas d’alcool non plus.

– Vous n’avez aucun vice alors ?

 

Ma dernière remarque le fit sourire. L’atmosphère s’était soudain détendue, et j’appréciais. Je me sentais bien en sa compagnie et j’en oubliai presque que j’avais un article à écrire.

 

– Ni l’alcool ni la drogue non, me répondit-il en rivant son regard au mien.

– Les femmes alors ?

 

Il prit le temps de boire quelques gorgées de thé avant de me répondre.

 

– Ca vous intrigue n’est-ce pas Carlota ? Je vais vous répondre alors.  J’aime tout ce qui est beau. Que ce soit les choses où les femmes. Et je fais ce qu’il faut pour les obtenir. J’aime la sensation qu’on ressent les quelques secondes qui précédent l’instant où je vais les posséder. Je suis dans cette quête perpétuelle de ce moment si particulier où le désir de quelque chose, ou de quelqu’un est à son paroxysme. Malheureusement cette sensation, si puissante soit elle, est très éphémère. Alors je me remets à chercher.

– Vous êtes un prédateur Nic. Un chasseur sans cesse à la recherche d’une nouvelle proie.

– Mes proies sont toujours consentantes et ravies que je les pourchasse Carlota.

 

Sa voix avait baissé d’un ton et malgré moi un frisson remonta  le long de mon échine. Sa main se posa sur la mienne. Elle était chaude et douce.

 

– Je vous ai choqué ? Je m’en excuse. Je voulais juste que les choses soient claires avant  que tout commence.

– De quoi parlez-vous Nic lui demandai je d’une voix un peu tremblante

– Mais de vous Carlota. Vous avez éveillé ma curiosité. Vous m’intriguez. J’ai envie de découvrir ce qu’il se cache derrière cette Melle Maxwell, cette jeune femme tellement comme il faut.

– Vous délirez Nic, mais surtout vous perdez votre temps. Après cette soirée complètement surréaliste, je ferai en sorte que nos chemins ne se recroisent jamais. Vous êtes un gosse trop gâté, il est temps d’apprendre qu’on n’obtient pas toujours ce que l’on veut.

 

A la fin de ma tirade, j’étais essoufflée, mais surtout mon cœur était ravagé. L’homme que j’idéalisais depuis si longtemps était en fait un imposteur, doublé d’un goujat. La déception me noua la gorge. Tous les murs de mon monde imaginaire étaient en train de voler en éclat.

 

Le serveur qui nous apporta les entrées me sortit de mes noires  pensées. Il fallait que je me reprenne. Après tout il n’y avait aucun drame là dessous. J’étais déçue, voilà tout. J’allais m’en remettre et passer à autre chose. Mais avant cela j’avais un article à rédiger. Je chassais mes désillusions et essayai de faire bonne figure. Il fallait que je reprenne l’interview, sinon cette soirée ne finirait jamais. Nic me devança

 

– Racontez-moi comment vous êtes tombée dans la politique. C’est une vocation ?

– J’ai travaillé dur pour arriver à devenir journaliste, en effet. C’est un travail qui me satisfait, que je maitrise. C’était en quelque sorte ma destinée j’imagine.

– Ce n’était pas la question. Aimez-vous ce que vous faîtes Carlota ? Avez-vous ce besoin viscéral de partager votre passion avec vos lecteurs. Etes-vous triste quand l’inspiration vous abandonne et que votre vie semble tout à coup tellement vide ?

 

Je pris le temps de manger quelques feuilles de salade avant de répondre. Non, je ne connaissais pas l’enthousiasme qui animait Nic quand il parlait de la musique. Ce n’était pas par passion que j’exerçais mon métier, mais plutôt par défi.

 

– Est-ce vraiment important finalement Nic ?  On a tous des rêves, puis on devient raisonnable et on les oublie un jour où l’autre. C’est la vie.

– Pas tout le monde Carlota. Certains continuent à poursuivre leurs rêves quoiqu’il leur en coute. On appelle ça la liberté.

 

Je le dévisageai pensive. Il avait une philosophie de la vie qui me fascinait. Il faisait ce qu’il voulait, suivait son instinct et ses envies. Il était mon contraire, mon antithèse. J’étais sur le point de renchérir quand un homme immense et tout en muscle, habillé en costume noir s’approcha de nous.

 

– Excusez-moi de vous interrompre Mr Black, un appel pour vous, c’est urgent lui dit-il en lui tendant un téléphone.

– Merci Santo. Je vais le prendre ici.

 

L’homme nous tourna le dos et repartit vers le fond de la salle. Je ne l’avais pas aperçu jusque-là, mais j’imaginais que c’était une sorte de garde du corps où d’homme de confiance.

 

– Allô. Oui ma chérie. Oui….Je suis au restaurant de l’hôtel pour un diner de travail. Mais oui tu me manques, évidemment. D’accord oui…Mets-toi au lit Juliet et je t’appelle plus tard. Moi aussi je t’aime. A tout à l’heure.

 

Non mais alors là c’était le comble ! Cinq minutes auparavant Nic me faisait l’apologie des conquêtes d’un soir. Il m’avait même joué le jeu de « bientôt ce sera ton tour ma Cocotte » et là j’avais droit à la grande déclaration d’amour au téléphone.

C’était trop pour moi. Où était le gars qui chantait des chansons d’amour à vous mettre des larmes dans les yeux. Où était le poète qui envoutait les salles de concert avec ses mots. Où était le héros de ma jeunesse ?

J’essuyais une  véritable tempête intérieure. J’étais aussi dans une colère noire contre moi-même. Comment avais-je pu me laisser aller à construire un monde imaginaire dont ce mec était le roi.

D’un geste rageur, je jetais ma serviette sur la table et repoussai ma chaise.

 

– Que vous arrive-t-il Carlota, vous êtes blanche comme un linge.

– Vous m’écœurez Nic, vous n’êtes en fait qu’un vulgaire coureur de jupons. Vous êtes un menteur, vous êtes malhonnête. Vous faites pleurez vos fans en parlant de l’amour pur et sincère qui vous anime. Vous avez l’audace de vous présenter auprès de votre public comme un homme honnête et droit, alors que vous n’êtes qu’un menteur. Vous avez osé me sortir le grand jeu de la séduction, alors qu’au même moment une Juliet est couchée dans votre lit.

– Carlota….

– En fait vous êtes un vrai connard. C’est tout. Je n’écrirai pas cet article. Ne m’approchez plus. Je ne veux plus jamais entendre parler de vous.

 

Je sentais bien que c’était la déception et l’amertume qui me faisaient parler. Après tout, dans le monde du show-business, tout le monde savait bien que seules les apparences comptaient. Ce monde avait besoin de comédiens pour nous vendre du rêve. Nic en faisait partie, c’est tout.

 

– Carlota, attendez me dit Nic en faisant le tour de la table pour me retenir

 

Je ne m’arrêtai pas et accélérai même le pas. Cela ne me porta pas chance. Je sentis mes pieds s’emmêler dans la lanière du sac de mon ordinateur portable et tout mon poids bascula en arrière. Je sentis les bras de Nic s’enrouler autour de ma taille pour empêcher ma chute. Ma tête heurta doucement son torse.

 

– Lâchez-moi Nic.

 

J’avais le souffle coupé et ma voix était plus rauque que d’habitude. J’étais prisonnière de son étreinte, retenue contre son torse puissant, tellement proche que je sentais les battements de son cœur.

 

– Non. Pas avant que vous ne m’ayez dit ce qui vous a contrarié à ce point. Pas avant d’avoir découvert ce que vous cachez. Pas avant d’avoir connu l’éphémère sensation dont nous parlions tout à l’heure…

 

Maintenant mes jambes tremblaient carrément. Jamais je n’avais connu ce sentiment d’être une proie. La situation était tellement troublante et si excitante.

 

– Ne faites pas d’esclandre Carlota, si vous ne voulez pas que tout le monde soit attiré par vos éclats de voix et quelqu’un ne dégaine son téléphone pour filmer la scène et la mettre en ligne dans les dix minutes qui arrivent.

 

 Sa voix basse m’envoutait. Mon cœur s’emballa, sans que je ne puisse dire si c’était la peur de voir des photos de nous enlacés apparaitre dans les journaux, ou le contact de son torse contre mon dos. Ses bras me serrèrent encore plus fort contre lui et il rapprocha ses lèvres de mon cou.

 

– Je trouverai un moyen de faire céder la forteresse qui vous entoure. Le jeu ne me fait pas peur. Il m’excite même. Plus vous fuirez, plus je vous suivrai. Je vous trouverai Carlota. C’est une promesse.

 

Sa bouche se posa contre ma peau. Je sursautai. A cause de la surprise. A cause aussi de la décharge électrique qu’elle provoqua dans tout mon corps. Mon ventre se noua. Les sensations déferlèrent dans tous mon être. Je ne pouvais rien y faire et je me laissai basculer dans le monde de Nic Black. Ma tête roula contre son épaule alors que ses mains caressaient la courbe de mes hanches. Je soupirai.

 

– Bientôt Carlota, vous serez à moi souffla-t-il à mon oreille.

 

Ce fut l’électrochoc. D’un mouvement je me dégageai de son étreinte et je me retournai face à lui.

 

– Jamais Nic. Je ne serais jamais un de vos vulgaires petits caprices. Je ne veux plus rien avoir à faire avec vous. Merci pour le voyage mais votre monde est trop pervers. Vous ne connaissez plus la valeur des choses, ni celle des gens. Vous vous êtes perdu dans la gloire et les apparences. Laissez-moi tranquille et ne m’approchez plus jamais.

16 septembre 2017

CHAPITRE 2 -NIC

Nic

 

Quand j’avais aperçu la fille tétanisée qui se trouvait coincée à l’entrée de ma suite, j’avais d’abord cru qu’elle faisait partie du personnel de l’hôtel. J’étais furieux de ne pas l’avoir entendu entrer. Je déteste qu’on me prenne par surprise. Puis elle se présenta. Journaliste. Tiens, elle n’en avait pourtant pas le profil. Les gens qui nous interviewaient d’habitude étaient en général moins coincés. Son tailleur noir, ses escarpins vernis et ses petites boucles d’oreilles en perles, ça n’était pas vraiment très rock’n’roll tout ça.

Pourtant elle était belle. Pas d’une beauté classique non, quelque chose d’un peu décalé. Un peu plus grande que les autres sans doute, mince et musclée comme garçon, avec un visage qui avait quelque chose de juvénile.

En m’approchant d’elle, le premier mot qui m’était venu à l’esprit était paradoxe. Elle n’était pas ce qu’elle voulait bien montrer. Ses yeux, c’étaient ses yeux qui l’avaient trahie. Il y avait quelque chose dans son regard, une flamme, un soupçon de folie, une part d’ombre qu’elle cachait sous des dehors bien policés. Malgré son apparence de jeune fille bien propre sur elle, son angoisse était devenue palpable au fur et à mesure que je m’étais approché d’elle. Ca m’avait amusé. Voir le rouge lui monter aux joues et ses mains se mettre à trembler avait quelque chose de gratifiant. Visiblement je lui avais fait un certain effet. Parfait, la soirée s’annonçait plutôt bien.

Puis l’interview à proprement parler avait débuté, il fallait bien s’y mettre à un moment ou un autre. Elle avait repris une attitude très professionnelle et ça m’avait gonflé. Trop de maitrise d’elle à mon gout. J’avais envie de la bousculer, de faire revenir le rose qui colorait si joliment ses joues. Pour une raison inconnue, j’avais envie de la déstabiliser et de faire craquer ce vernis insipide dont elle semblait se recouvrir. Alors j’avais improvisé.

 

Cat allait me tuer. Je devais les rejoindre pour terminer tranquillement  la soirée avec eux au  bar de l’hôtel et voilà que je me pointai avec une journaliste. Il n’allait pas aimer, il les détestait tous.

La journaliste en question n’avait pas non plus l’air d’apprécier tellement mon initiative. En fait elle était carrément en panique. Je l’observai, adossé  contre le mur de la paroi de l’ascenseur qui nous conduisait à l’étage. Je pouvais quasiment voir les rouages de son cerveau tourner à plein régime. Une palette d’émotions contradictoires se peignait sur son visage. A un moment, alors qu’elle faisait tout pour éviter mon regard, j’étais presque sûr de l’avoir vu murmurer toute seule. Elle paraissait mener une lutte sans merci pour sauver ses apparences de sérieuse petite journaliste. C’est à cet instant précis j’avais décidé de découvrir ce qu’elle cachait, les raisons de son attitude tellement bizarre face à moi. Finalement elle m’intriguait. Je n’aime pas les mystères.

 

L’ascenseur stoppa sa course au dernier étage, au bar réservé aux clients. Je guidai Carlota vers le fond de la pièce, là où Cat et Brice m’attendaient. Mes deux acolytes étaient attablés devant un verre de bière, visiblement en train de modifier une partition. J’imaginais que c’était une initiative de Cat. Jamais satisfait celui-là. Depuis notre adolescence nous jouions tous les trois ensemble, et de nous c’était lui le plus perfectionniste. Aucun détail ne lui échappait. Il était capable de travailler nuit et jour pour une note ou un accord qui ne lui convenait pas sur un morceau. J’admirai sa ténacité et sa loyauté envers la musique. C’était, comme pour nous tous sa raison de vivre, mais pour lui ça représentait même un peu plus que ça.

Je sentis Carlota se raidir quand elle les aperçu. Je posais une main dans son dos, pour l’accompagner jusqu’au bout, mais elle sursauta et avança un peu plus vite pour fuir le contact. On aurait dit que je l’avais brulée.

 

– Carlota, je vous présente les musiciens de Wax. Brice à la guitare et Cat à la basse. Les gars, voici Carlota Maxwell

 

Je la vis s’avancer et leur tendre la main pour les saluer. Son visage était à présent livide. On aurait dit qu’elle venait de rencontrer des fantômes. Plus le temps passait, plus son comportement devenait étrange. C’était surréaliste en fait. Elle était censée faire un papier sur Wax et depuis qu’elle m’avait vu, elle semblait sur le point de défaillir toutes les cinq minutes.

 

– Melle Maxwell est journaliste à « L-World », et c’est elle qui écrira l’article sur le groupe. On tournait un peu rond, autour de questions sans vraiment grand intérêt pour le lecteur, alors je l’ai invité à se joindre à nous ce soir, pour qu’elle se fasse une idée de notre univers.

 

Comme prévu, je vis les épaules de Cat se contracter et son visage se fermer.

 

– Tu joues un jeu dangereux Nic. Ce n’était pas comme ça qu’on voulait communiquer.  On avait dit un article, rien de plus avant que la tournée ne commence.

 

Je compris l’avertissement. Il avait raison. On avait bossé comme des fous sur la communication de notre retour sur scène. Un article, quelques questions-réponses. Aucune explication sur notre absence de cinq ans, aucun sujet sur notre vie privée. La musique, rien de plus.

En fait je ne sais pas pour quelle raison j’avais fait ça. Pourquoi est-ce que je l’avais amenée ici, cette fille aux yeux noirs ? Pourquoi, chaque fois que je la regardais, je sentais que quelque chose clochait ? Et surtout pourquoi elle m’intriguait comme ça, sans que je puisse lâcher l’affaire ? Il y avait un risque en effet. Tant pis.

 

– C’est bon Cat, ça va le faire. Carlota, parlez-nous un peu de vous. Ce que vous écrivez, d’où vous venez. Essayons de faire un peu connaissance, un peu  comme des amis, et je suis sûre que le reste suivra.

 

Ma tentative de détendre un peu l’atmosphère fut un échec. Cat se renfrogna un peu plus, Carlota sembla sur le point de s’enfuir le plus loin le possible et Brice se marrait doucement planqué derrière son verre. Merci du soutien les mecs.

 

– Eh bien…en fait, je suis journaliste politique me répondit-elle embarrassée. J’ai accepté de remplacer mon collègue Sam à qui vous aviez initialement accordé cette entrevue. Il est retenu pour des raisons personnelles et m’a confié son interview.

– Et ben ça promet ricana Cat. Vous connaissez le monde de la musique un peu ou vous êtes là en touriste ?

 

Non mais qu’est ce qui lui prenait ? Il avait décidé de jouer les chiens de garde ou quoi ? C’était quoi cette réaction complètement démesurée. J’étais sidéré par le comportement de mon pote. D’accord j’avais un peu merdé en amenant Carlota ici, mais de là à la prendre pour cible.

Heureusement Brice s’interposa entre eux, sentant sans doute que les choses allaient déraper.

 

– Carlota, vous avez quand même entendu parler de Wax. Vous savez, ce groupe de mecs hyper sexy dont toutes les filles rêvent en secret au fond de leur lit. Allez avouez-le, je suis sûr que les murs de votre chambre d’ado était tapissée de nos posters

 

La jeune fille se mit à rire en l’écoutant. Brice racontait n’importe quoi, comme d’habitude, mais au moins il avait réussi à désamorcer un peu la situation. Il n’avait pas son pareil pour cerner les gens et les mettre à l’aise. Et il avait apparemment réussi. Il enchaina :

 

- Et puis si vous êtes là, c’est que vous connaissez votre job, alors ne faites pas attention à ce grognon de Cat, de toute façon il est toujours mal luné, et allez-y, posez vos questions.

 

 

 

– Très bien, ne perdons pas plus de temps. Je ferai en sorte de ne pas vous déranger trop longtemps lui répondit Carlota tout en fixant Cat d’un air mauvais.

 

– Et ça ne vous pose pas de problème d’écrire sur un sujet que vous ne maitrisez pas lui renvoya ce dernier d’une voix sarcastique.

 

– Eh bien au moins l’article sera écrit en toute objectivité lui balança-t-elle à la figure sur le même ton.

 

Il fallait que j’intervienne, mais j’avoue que la voir se transformer en petite guerrière face à mon ami, donnait encore un peu plus de piquant à la situation. Comme ça la petite savait se défendre. Intéressant. Elle était passée de la panique à la révolte en moins de trois minutes. Son regard était devenu encore plus noir, et ses lèvres étaient pincées quand elle regardait Cat. Les scrupules que j’avais eu en la mettant mal à l’aise s’envolèrent. Elle enchaina.

 

– Alors voici le quotidien d’un groupe qui s’apprête à retrouver la scène. Des interviews de promo dans de grands hôtels, une vie de nomade sur les routes, me demanda t’elle en griffonnant sur un bloc note.

– Pas tout à fait non. Nous habitons tous à Paris mais nous logeons ici depuis quelques semaines. C’est proche de l’endroit où nous répétons. On essaye de se couper un peu du monde, de nous retrouver dans une sorte de bulle. C’est meilleur pour la concentration, et puis on aime ça, tout simplement

– Un peu difficile pour la vie de famille non ?

– Nous n’abordons pas notre vie privée devant les journalistes Melle Maxwell aboya Cat, du fond de son fauteuil

 

Le confort professionnel dans lequel elle avait réussi  à se glisser s’envola. Sa main cessa de griffonner sur son carnet et son visage blêmit à nouveau. Cette fois j’intervins, ou elle allait vraiment finir par s’enfuir. Pas moyen

 

– Excusez mon ami Carlota, le manque de sommeil sans doute. Nous avons une sorte de pacte entre nous. Nous n’évoquons jamais notre vie privée devant les médias. C’est la seule chose qui nous appartient encore, nous la préservons comme un trésor.

– « L-World » n’est pas un journal à potins se défendit elle. Je ne veux pas jeter votre intimité en pâture. J’essaie juste de m’imprégner de votre univers, de votre vie, pour restituer au mieux mes impressions à nos lecteurs. Quant à votre vie personnelle, en aucun cas je n’en ferai mention dans mon article, c’est évident. Bref, continuons.

C’était hallucinant de regarder son visage. Je pouvais y voir le défilé de ses émotions et de ses pensées. Elle naviguait d’un état de stress à un professionnalisme sans faille, passant de l’un à l’autre en quelques secondes parfois. Cette fille était surprenante. Rafraichissante.

Elle continua à dérouler ses questions de manière très formelle. Tout y passa, de la date de la sortie de l’album à la préparation du prochain concert. Tout trace d’émotions l’avait désormais quittée, remplacée par un ton très sérieux. Ennuyeux.

Puis elle posa son regard sur moi. Ses yeux dans les miens. Elle oublia mes deux comparses. Juste elle et moi. C’est à cet instant précis que j’ai su que je ne la laisserai pas s’enfuir.

 

– Nic, pouvez-vous me parler de votre chanson préférée sur l’album qui sortira le mois prochain ?

– Et vous Carlota, laquelle préférez-vous ?

 

J’avais répondu du tac au tac, un peu pour botter en touche. Un peu pour la taquiner aussi, puisque visiblement elle n’en connaissait aucune.

 

– J’aime le single qui est sorti pour annoncer votre album. J’adore la façon dont le morceau est construit, comme la musique va crescendo. Le début avec ce simple morceau de guitare. Puis vous Cat, quand vous prenez le relai à la basse, j’ai le cœur qui se met à cogner un plus fort. Après, vient la mélodie au synthé qui adoucit un peu l’instant, juste avant le grand saut quand le morceau de batterie démarre. C’est le summum de l’harmonie.

 

Retour sur image s’il vous plait. Qu’est ce qui est en train de se passer là ? La fille devant moi, cette petite journaliste un tantinet trop sérieuse etait en train de s’emballer en parlant de ma musique, celle qu’elle était supposée ne pas connaitre. Ses joues s’étaient à nouveau colorées rouges, mais pas de gêne cette fois ci, c’était de l’excitation que je voyais briller au fond de ses yeux. Aucun doute. Je la laissai continuer.

 

– Les paroles seraient presque inutiles, mais ce serait se priver de votre voix de velours, poursuivit-elle en me regardant. Vous êtes un poète Nic. Vous avez réussi à faire suinter l’absence que vous ressentez à travers cette chanson. Pourtant en relisant les paroles, on comprend que c’est l’espoir qui vous guide, l’espoir de préserver cet amour que vous avez retrouvé. Cette chanson est magnifique en tout point et n’augure que de bonnes choses pour l’album à venir

 

Un silence gênant s’abattit  comme une chape de plomb sur notre petit groupe. Je sentis  les regards de Cat et Brice aller de Carlota à moi, mais personne ne dit rien. Qu’est-ce qu’il venait de se passer là ? Manifestement elle en savait bien plus que ce qu’elle nous avait dit. Ça sentait le piège. Cat avait eu raison de se méfier. Cette fille là nous connaissait, forcément.

 

Son silence était éloquent. Elle s’était rendu compte de son erreur. Elle rejoignait ses notes d’une main tremblante quand Cat brisa le silence

 

– Qu’est-ce que c’est que cette connerie Nic ?

– J’en sais rien Boy.

 

D’une main ferme, je saisi le poignet de Carlota et l’attirai vers moi en me levant

 

– Récupérez vos affaires Melle Maxwell, il est l’heure d’aller dîner. 

16 septembre 2017

CHAPITRE 1 - CARLOTA

Carlota

 

Le ciel grondait et quelques gouttes de pluie se mirent à tomber au moment où je franchissais la porte de l'immeuble qui abritait les bureaux du journal.
Je pris le temps de m'arrêter pour observer les éclairs qui zébraient le ciel et écouter les coups de tonnerre qui résonnaient au loin. J'aime la lourdeur de l'ambiance qui précède l'orage, quand l'air semble coller à la peau, quand tout s'arrête dans l'attente des premières gouttes, des premiers roulements. J'aime voir le ciel s'obscurcir peu à peu de gros nuages gris, faisant planer une ombre inquiétante sur  nos têtes. J'aime cette ambiance particulière créée par la rencontre d'un courant d'air chaud avec un courant d'air froid, la rencontre des inverses, le choc des contraires...


En quelques minutes, les grondements se rapprochèrent. Le vent se leva et les arbres bordant le trottoir ployèrent sous sa force. L'obscurité avait désormais pris le pas sur la lumière et donnait à la rue un aspect fantomatique. Une rafale souleva les feuilles qui jonchaient le sol, les faisant tournoyer comme une multitude de minuscules marionnettes désorientées.
Le bouleversement des éléments sous mes yeux me touchait, m'excitait et  m'enivrait d'une soif de liberté. Ma gorge se serra pour retenir mon envie de  hurler. J'avais besoin de virevolter comme ces feuilles, soulevée par un vent de folie, j'avais besoin de vivre...

 

Cette atmosphère chargée d'électricité m'enveloppa jusqu'à ce que je franchisse  la porte de mon bureau. Il fallait que je me calme, j'avais une journée chargée, et les distractions n'en faisaient pas partie.

Je quittai mon manteau et l'accrochai à la patère derrière la porte. Je posai mon sac à main derrière mon bureau et mis l'eau à chauffer pour me préparer mon premier thé de la journée. Comme tous les matins depuis quelques années déjà, j'effectuai ces gestes routiniers et méthodiques qui me rassuraient et qui m'ancraient dans la réalité.

Mon planning s'annonçait chargé cette semaine. J'avais accepté de remplacer mon collègue et seul ami, Sam.        
Au journal où nous travaillions tous les deux, il était chargé de la rubrique musicale, moi je m'occupais de la partie politique. Pendant son absence, je lui avais promis que je consulterai ses mails et lui ferai suivre les plus importants. Je devais aussi transférer ses articles déjà écrits à l'impression, pour qu'ils paraissent la semaine d'après. Rien de compliqué selon ses mots.

Cette surcharge de travail ne m'effrayait pas, j'aimais passer du temps au bureau, à peaufiner mes articles, préparer mes entretiens, me documenter sur l'actualité politique du moment. Cette facilité à me noyer dans le travail m'avait réussie. De simple pigiste, j'avais réussi à gravir les échelons professionnels, et à devenir responsable de ma propre rubrique au sein du magazine L-World. Cette réussite était ma plus grande fierté, et je lui consacrai la majeure partie de mon temps.

Tout en réfléchissant à la tournure que je donnerai à l'article que j'étais en train d'écrire, je me connectai à la messagerie de Sam et m'assis à mon  bureau en saisissant ma tasse de thé.

Pendant les quelques secondes que le téléchargement des mails dura, une partie de moi priait intérieurement qu’aucune nouvelle importante ne s’affiche sur l’écran d’ordinateur. La musique ne faisait tellement plus partie de mon quotidien, j’étais tellement éloignée de cet univers que je savais que je ne pourrais pas gérer un inattendu. L’autre partie de mon cerveau rationnalisait, comme d’habitude. Rien ne viendrait bouleverser cette semaine.

 

Ma prière muette ne fut pourtant pas entendue…Je sentis mes mains devenir moites et ma respiration s’accélérer. Un début de vertige me fit tourner la tête, et je dû détourner les yeux de l’écran pour ne plus voir ces trois lettres qui m’avaient été si familières. WAX….

La tentation d’effacer le message et de faire comme si je n’avais rien vu était immense, mais mon professionnalisme me retint, et après quelques profondes respirations destinées à me calmer, je me décidai à l’ouvrir et en lire le contenu.

 

« Il fallait que ça tombe sur moi » maugréais-je quand j’eu terminé ma lecture. Les nouvelles étaient plutôt bonnes en fait. Le chargé de communication du groupe de rock Wax, annonçait à Sam par ce mail que L-World avait été le seul magazine retenu pour interviewer Nic Black leur leader. Le groupe amorçait son retour sur scène, après le lancement de leur dernier album. Wax avait complètement disparu de la scène publique depuis cinq ans et décrocher cet entretien allait être une consécration pour Sam.

Le petit bémol de cette nouvelle c’est que le rendez-vous était fixé le lendemain après-midi. Sam ne revenant que la semaine suivante, je n’osai envisager la suite des événements…

 

Sans réfléchir plus, j’attrapai mon téléphone et composai le numéro de mon ami. Le soulagement m’envahit quand j’entendis sa voix après quelques sonneries

 

– Salut jeune demoiselle, quoi de neuf ?
– Quelque chose que tu ne pourras jamais deviner Sam, c’est énorme !       

– Dis-moi alors au lieu de me faire mariner       

– Demain, Danceteria Hôtel, 16h, toi, ton magnéto et……Nic Black ! 

– Tu plaisantes ?  Carlota, on était des dizaines à postuler !

– Je sais, et a priori tu es le seul à avoir été retenu. Félicitations, Sam, tu le mérites, tu vas cartonner.

– Je ne peux pas Carlota. J’ai pris ma semaine de congé pour pouvoir profiter d’Alice et du bébé. C’est pas facile au début franchement, et on n’est pas trop de deux pour nous occuper de June, je t’assure. Un bébé de trois semaines, et hop tes nuits se transforment en cauchemars.

 

Le vertige qui m’avait quitté quand j’avais entendu la voix de Sam revint au grand galop. Je ne voulais pas l’entendre et pourtant je savais ce qui allait suivre…

 

– Tu vas y aller à ma place. L-World ne peut pas se permettre de rater une occasion comme celle-ci. C’est presque trop beau pour être vrai. Ca fait des lustres que c’est silence radio du côté de Wax et là, on a l’exclusivité. Tu te rends compte du tremplin que ça va être pour le magazine ! Il faut que tu assures Carlota. Ramène-nous une interview du tonnerre.

– J'espère que tu plaisantes lui répondis-je sentant la panique transpirer dans ma voix que j'entendais monter de plus en plus dans les aigus. Sam je suis journaliste politique, je ne connais rien à la musique et encore moins au rock, alors si tu crois que je vais aller interviewer Wax, tu rêves. Tu m'avais promis que ce serait une semaine pépère pour reprendre ton expression, pépère mon œil oui, et on n'est que lundi matin merde !

 

Je sentais que la très posée Carlota était en train de s’enfuir au grand galop. Je ne me reconnaissais plus, mais je n’arrivais pas à maitriser la terreur qui m’envahissait.

 

– Tu ne peux pas nous faire rater une opportunité pareille. Détend toi Carl, sois professionnelle, écoute son album, prépare deux ou trois questions, fais lui un sourire et ça va aller comme sur des roulettes. Improvise Cocotte et amuse toi, ça te changera des tristes sires que tu interviewes d'habitude

– Ne te plains pas si ta rubrique perd toute sa crédibilité terminé-je en raccrochant rageusement, ne sachant pas quoi rajouter me tirer de ce mauvais pas.

 

J'étais partagée entre le rire et les larmes....des souvenirs affluèrent, des images de ma jeunesse défilèrent dans mon esprit, un parfum d'insouciance vint chatouiller mes narines puis un énorme pincement au coeur me ramèna à la réalité. Wax, c'etait mon univers, mon refuge et Nic Black, au fil des années etait devenu mon ami, mon confident, mon mentor et même plus quelques fois....sauf que je ne le connaissais pas et qu'il ne me connaissait pas non plus.

C’est durant mon adolescence, que ma sœur jumelle Salomé et moi, nous avions découvert Wax. Nous étions fan, comme des milliers d’autres jeunes filles, de ce groupe très en vogue à l’époque,  et c'était la seule chose que j'avais gardé, comme un trésor, de mon ancienne vie. Wax c'était ma part d'insouciance, c'était mon instant de rébellion, c'était mon univers, la seule chose que j'avais préservé de mon passé. C'était aussi mon secret car la journaliste politique que j'étais devenue ne pouvait se permettre de « telles fadaises » comme le disait si bien dit ma mère. Rien, même pas la musique devait me rattacher à me rappeler mon passé.

J'avais toujours caché cette information pour ne pas détruire le personnage public que je m'étais efforcé de créer de toute pièce pour atteindre mes objectifs professionnels, pourtant je connaissais Wax sur le bout des doigts. Dans une autre vie, ce groupe avait été mon repère, ma bouée de sauvetage, le filigrane de mon existence, et depuis des années, j’avais tout fait pour que ça ne m’explose pas à la figure.     

Dans ma jeunesse, je m'étais toujours demandé ce que je dirais à Nic Black si j'avais un jour la chance de lui parler vraiment. Serais-je pétrifiée comme une statue, fascinée, ou pourrais-je discuter avec lui comme avec une personne ordinaire ? J'avais souvent rêvé de lui, j'avais l'impression de le connaître et au fil du temps, j'avais tissé une relation d'amitié imaginaire avec lui. Aujourd’hui mes rêves allaient se transformer en la réalité, et j’étais terrifiée.

J'avais tellement peur d'être déçue. J'avais fait de lui l'homme parfait, et maintenant la réalité allait sans doute mettre à mal mon imagination. Je ressortirai sans doute déçue de cette interview, car je m'apprêtai à mettre fin à un fantasme et à faire taire ce qu'il restait de la jeune fille rêveuse que j'avais été.

 

J’avais gommé cette partie de ma vie. Je l’avais enterré au fond de moi. Je n’étais plus cette fille là. Grâce un travail acharné en sortant de l’école de journalisme, j’avais réussir à me faire un nom dans le milieu. Mon acharnement à devenir journaliste politique avait remplacé toute autre aspiration dans ma vie de jeune adulte, et j’avais réussi. Depuis peu, j’avais ma propre rubrique au sein de L-World. J’avais atteint mon but. Jeune trentenaire, boulot qui me plaisait, vie personnelle rangée et sérieuse. Ca me convenait.

 

 

 

Pour faire taire le flot de pensées contradictoires qui affluèrent toute la journée, je me noyais sous un flux de travail ininterrompu toute la journée. Quand le moment de rentrer chez moi arriva, je dû bien me résoudre à affronter l'ambigüité de la situation. 
D'un côté, l'excitation de rencontrer enfin l'homme que j'idéalisais depuis des années faisait battre mon cœur à cent à l'heure, tous les scénarios que j’avais imaginé à son propos défilaient dans mon esprit... Serait-il comme je l'avais imaginé ? D'un autre côté, la peur de passer pour une groupie idiote me tétanisait, et puis à cela s'ajoutait aussi la pression de produire un bon article, car Wax avait accepté une seule interview et je ne voulais pas que mon papier fasse un flop. Bref mon esprit carburait à 1000 à l'heure et je n'avais qu'une hâte, me coucher pour arrêter de penser.

 

Malheureusement pour moi, la nuit fut quasi sans sommeil, accompagnée de véritables attaques de panique, et peuplée de rêves plus ou moins avouables...J'avais averti le journal que je préparerai l'interview chez moi et que j'irai directement sur le lieu de la rencontre. La journée passa bizarrement, vite et doucement à la fois. La hâte que tout soit terminé était mêlée à la peur qui faisait trainer le temps.
       
Quand le moment fut enfin venu, je me préparai comme je le faisais d'habitude pour un entretien politique et cela me donna un peu de courage. Je portais mon tailleur noir le plus strict, un peu comme une armure, que j'avais assorti avec de simples petites boucles d'oreilles en diamant. Mon maquillage discret cachait mes cernes et donnait un peu de couleur à mon visage habituellement si pâle. « Allez courage Carlota » me sermonnai-je. J'avais l'habitude de rencontrer et d'interviewer des personnes influentes, et je le faisais bien, alors j'allais appliquer le conseil de Sam, et mener mon interview comme je le faisais normalement, avec professionnalisme, et tout irait bien....Il suffisait juste que je camoufle tout ce que je savais sur Wax, et surtout que je lutte contre cette fascination que Nic Black m'inspirait.

 

En arrivant dans le hall de l'hôtel Danceteria, je gagnai d'un pas rapide le salon où devait se tenir la rencontre, sans regarder autour de moi, sans me laisser distraire, pour que mon courage et ma détermination ne m'abandonnent pas. J’avais l’impression de me préparer à sauter dans le vide. Inutile de dire que mon cœur battait la chamade et que mes mains étaient affreusement moites. Mon esprit lui par contre, tournait à plein régime et une idée m'obsédait... Etait-il aussi sexy que dans les magazines, était-il aussi charismatique que dans les émissions musicales que j'avais l'habitude de regarder quand il était invité, sa voix était elle aussi envoûtante que dans ses chansons ?     

 

Quand j'arrivai devant la porte du salon où Nic m'attendait, j'avais réussi à me redonner une contenance et je tendis  ma carte de presse à l'agent de sécurité qui se tenait devant le couloir.

 

– Bonjour, Carlota Maxwell journaliste à « L-World ». J'ai rendez-vous avec Nic Black pour une interview me présentais-je, plutôt fière de ma voix qui avait retrouvé son assurance

– Allez y Mademoiselle Maxwell, Monsieur Black vous attend me répondit-il ouvrant la porte.

 

Quand j'entrai dans la pièce, je fus tout de suite frappée par l'odeur de tabac qui flottait dans l'air. La pièce était mal éclairée. L’atmosphère qui y régnait était presque oppressante.

Il était là, assis dans un canapé, le téléphone à l'oreille et une cigarette à la main. Il ne semblait pas m'avoir entendu entrer. Sa conversation était sur le point de se terminer et il passa la main dans ses cheveux en bataille d'un air las. J’aurai voulu faire une photo. Lui, adossé contre le dossier du sofa, une jambe repliée sur l’autre et levant les yeux au ciel.  Je voyais son visage de profil, éclairé par la lumière faiblissante de cette fin d’après-midi. Le contraste avec l’ombre du reste de la pièce était saisissant.

Il se dégageait de lui une force et un charisme qui me paralysaient.

 

Toujours silencieuse, piquée à l'entrée de la pièce, je profitais de l'instant pour le regarder. C'était étrange comme sensation, je me serai crûe dans un des nombreux rêves où nous nous étions déjà rencontrés, et je me délectai de cet instant d'intimité volé.

Poussant un profond soupir, il éteignit sa cigarette dans un cendrier posé sur la table du salon.

 

Je n'osais faire un geste, toujours debout dans l'entrée du salon. J'étais fascinée par l'homme qui se tenait devant moi.          
Vêtu d'un jean délavé et d'un sweatshirt sombre en lin ample dont les deux derniers boutons à l'encolure étaient ouverts il était magnifique. Autour de son cou pendait un long collier de perles noires, tout comme celui qui entourait son poignet droit. Ses cheveux d'un brun profond étaient en bataille et une mèche rebelle lui retombait sur le front, lui donnant un air si sexy que j'eu l'impression que la température montait de quelques degrés. Ceci répondait à la question que je m'étais posée quelques minutes auparavant....oui il était aussi beau de près que dans mes rêves.
C’est le son de sa voix qui me ramena à la réalité, mais je n’osai toujours pas faire un bruit.

 

– Oui j’ai encore un rendez-vous, l’interview de promo. Heureusement qu’il n’y en a qu’une, car j’ai l’impression de me prostituer pour faire vendre l’album….Non je ne connais pas, « L-Word » il me semble. Je fais vite et je vous rejoins au bar de l’hôtel. Ciao Brice.

 

La conversation se termina et il jeta son téléphone sur la table en se retournant brusquement, attiré par mon discret toussotement.

 

– Qui êtes-vous me demanda-t-il, surprit de ne pas être seul dans la pièce.

– Bonjour Mr Black. Carlota Maxwell du journal  «L-World », qu'apparemment vous ne connaissez pas. Je remplace mon confrère Sam, à qui vous aviez accordé une interview....ou plutôt pour qui vous aviez accepté de vous prostituer devrais-je plutôt dire !

 

« Mais merde, qu'est ce qui m'a pris de dire un truc pareil » Je regrettai aussitôt mes paroles. Il allait me jeter dehors et tout annuler. Voilà pourquoi j'aimais la politique et son protocole, au moins les entretiens étaient cadrés et je pouvais facilement brider la partie indomptable de mon caractère, à la différence d'aujourd'hui. Je baissais les yeux, à la recherche d'une phrase intelligente mais mon cerveau était brusquement tombé en mode « off ».

 

– Je vous annonce mes tarifs tout de suite où on prend le temps de se connaître un peu avant ?

 

Son sourire narquois prouvait au moins qu’il avait de l’humour, mais quand je le vis s'approcher de moi d'un pas lent, je me fis l'effet d'être une proie. Curieusement je n'avais pas envie de reculer. Il se dégageait de lui un magnétisme et une aura de sensualité qui me faisait perdre mes moyens....Il n'avait pas l'air vraiment furieux, plutôt amusé, et la lueur coquine qui allumait son regard le rendait incroyablement attirant. Il fallait rompre l'instant avant que je ne me mette à bafouiller bêtement

 

– Je vous présente mes excuses Mr Black, les mots ont dépassé ma pensée.

– Ne vous excusez pas Melle Maxwell. Pour tout dire, vous m’amusez. Que faites-vous là, cachée dans un coin, continua t'il doucement en me détaillant de la tête aux pieds sans aucune gêne.

 

 

J'avais du mal à calmer les battements de mon cœur quand il me regardait comme ça. En s'approchant si près de moi, il avait envahi mon espace, et je me trouvais maintenant acculée contre la porte du petit salon, et il n’avait pas l’air d’avoir envie de reculer. En effet la situation semblait le divertir au plus haut point.

 

– Mr Black, pourrions-nous débuter notre interview, je ne vous dérangerai pas longtemps

– Appelez-moi Nic, Mlle Maxwell je vous en prie. Qui a dit que vous me dérangiez ? Cet échange me semble au contraire très prometteur me répondit-il en me fixant dans les yeux

– Finissons en murmurais-je complétement déstabilisée par les frissons qui me traversaient le corps et menaçaient de me faire perdre mes moyens sur le champ.

– Comme vous voudrez. Que voulez-vous savoir, Carlota ? Ca ne vous dérange pas que je vous appelle Carlota n’est-ce pas ?

 

Sa voix était douce et hypnotique. Elle courait sur ma peau comme une caresse. Quand il s’éloigna pour regagner le canapé, je le suivis, soulagée, et m’assis sur le fauteuil le plus éloigné du sien.

 

– Parlez-moi de votre dernier album, est ce que la rumeur est vraie, vous êtes-vous vraiment inspiré d'une rupture sentimentale pour écrire les textes ?

– C'est une déchirure plutôt qui m'a donné l'inspiration, mais je ne vous en dirai pas plus, le reste est très personnel me répondit-il en souriant.

 

En entendant ses mots, mon estomac se noua. La tristesse qui avait accompagné ses derniers mots m’émut.

 

– Pouvez-vous alors me parler de votre quotidien de star sur le point de revenir sur le devant de la scène. Nos lecteurs seraient très intéressés de découvrir ce qu'est la vie de Nic Black en réalité.

– Je mène une vie simple Carlota, rien de palpitant en fait, j'aime faire de la musique, j'aime composer et cela occupe tout mon temps, je ne sors pas beaucoup à vrai dire et le monde de la nuit ne m'attire plus. J'essaye de nourrir mes passions, la littérature, l'art, je visite des musées, je suis sans cesse à la recherche de nouvelles sources d'inspiration au travers d'œuvres de différents artistes, de voyages à travers le monde, ma quête est sans fin finalement car nous avons tant à découvrir des autres....

– Bien Nic, mais cela ne m'apprend pas vraiment ce qu'il se cache derrière la sensibilité que vous mettez dans votre musique. Vous vous cachez un peu derrière les stéréotypes propres à tout musicien.

 

Il ne répondit pas tout de suite et sembla réfléchir un instant, puis il se leva tranquillement et s'approcha du fauteuil dans lequel j'étais assise. Doucement, il prit le stylo et le bloc-notes que je tenais et les posa sur la table basse, puis il prit ma main dans la sienne et m'aida à me lever.

 

– Vous voulez vraiment me connaître Carlota ? Vous voulez savoir à quoi ressemble ma vie me demanda t'il en rivant son regard noir dans le mien. Alors préparez-vous, ce soir je vous emmène dans le monde de Nic Black....

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